The Rainbow Fountain — 2023

Situé dans la préfecture de Mié au Japon, à l’Est d’Osaka, sur le bord d’une petite route de montagne, apparaît The Rainbow Fountain. Ce vaste champ de céramique, loin du bruit et de l’agitation, est l’œuvre du céramiste Kenji Azuma (1938-2013). Né à la campagne, dans un milieu modeste, sans culture artistique, il montra dès l’école primaire des capacités au dessin. La représentation dans un manuel scolaire d’un vase en céramique rouge l’impressionna si fortement qu’il choisit d’étudier la céramique au lycée technique de Seto.


Après l’obtention de son diplôme en ingénierie céramique, Kenji Azuma, vécut plusieurs années à l’étranger (Philippines, Egypte, Argentine…) pour promouvoir le savoir faire japonais, enrichir sa pratique personnelle de la céramique et découvrir le monde. En 1978, lors d’un séjour chez sa mère, dans son village natal de Morimura, il prit la décision de construire, à faible distance des paysages de son enfance, sur un terrain mis à sa disposition par un voisin, un vaste ensemble en céramique conçu pour être un lieu d’apaisement et de réconfort pour ceux qui en éprouveraient le besoin. « Une source qui ne se tarirait jamais et qui continuerait à enrichir toutes les âmes. » Il lui consacrera 50 ans de son existence,15 ans à la conception, 35 ans à la réalisation, jusqu’à sa mort. Entièrement absorbé par sa tâche, dormant à peine, investissant toutes ses économies dans l’achat des matières premières indispensables: terre, gravier, sable, ciment, faisant tourner son four de 2,5 m3 une dizaine de fois dans l’année, plantant des arbres pour embellir le lieu, passant l’hiver, saison trop pluvieuse pour couler le ciment, dans son atelier à sculpter ses oeuvres et les installant sur le site du printemps à l’automne. Comme le Facteur Cheval, qu’il admirait, il travaillait seul, jour après jour, avec toute son énergie, ne sollicitant qu’exceptionnellement l’aide de professionnels du bâtiment pour la réalisation d’ouvrages nécessitant des fondations.


Cernée de deux colonnes organiques surplombées de figures enfantines, l’entrée du Rainbow Fountain invite le visiteur à entamer une déambulation dans un large espace vallonné : la forêt de statues d’homme-arbre, le fauteuil nuage, la colline de muses, le mur « des vainqueurs », composé de plaques en céramique avec le nom de ceux qui ont aidé par leurs dons à la création du site…et, surtout, « le rainbow fountain » qui donne son nom au lieu : la fontaine que Kenji Azuma rêvait de voir alimentée par l’eau de la rivière voisine, éclairée par la lumière d’un arc en ciel qui ne finirait jamais. Car pour Kenji Azuma, lecteur assidu de la Bible, son travail d’artiste, qu’il comparait à un marteau, consistait à ancrer au sol l’inspiration, venue du ciel, d’une source d’espoir et de réconfort. Si sa source reste sèche, faute de financement de coûteux travaux d’adduction d’eau, le Rainbow Fountain tient la promesse de son auteur. « Même après ma mort, mon œuvre restera, alors elle aura son propre destin. » En contrebas, coule la rivière dont le bruit anime et transporte le rêve de Kenji Azuma, d’un ressourcement offert à tous.


Cette série photographique fut réalisée avec un Polaroid SX 70.